Centrafrique Info

Centrafrique : Bangui, improbable capitale du bitcoin

sangocoin

Le projet Sango prévoirait de faire du pays « le premier crypto hub légal », un paradis financier sans impôt sur le revenu et les sociétés.

Par Djibril Ahmad Publié le 07 Juillet 2024 à 03h00, le 11 mai 2025 à 03h00

Après San Salvador, Bangui, capitale du bitcoin ! Qu’importe les doutes sur la faisabilité technique, les critiques sur les supposés objectifs cachés ou le cours qui dévisse depuis six mois, le président centrafricain n’a pas renoncé à faire de son pays un précurseur inattendu des cryptomonnaies.

Un mois après avoir fait du bitcoin une monnaie numérique officielle de la République centrafricaine (RCA), le président Faustin-Archange Touadéra, professeur de mathématiques dont les calculs ne cessent de dérouter, a annoncé le 23 mai le lancement pour « bientôt » du projet « Sango – The First Crypto Initiative [la première initiative crypto] – destiné à poser un jalon visionnaire sur la carte du monde (…), une révolution qui va repositionner l’économie, améliorer les perspectives et changer le destin des citoyens ».

Dans les termes du communiqué de la présidence, comme sur la plaquette proposée sur le site Sango.org, l’ambition semble démesurée alors que le pays peine à sortir de la guerre civile, qu’un peu plus de 15 % de la population à accès à l’électricité et que les caisses de l’Etat s’assèchent à mesure que les soutiens budgétaires extérieurs (Banque mondiale, Fonds monétaire international, France, Union européenne) se désengagent par crainte de voir leurs subsides terminer dans les poches des mercenaires russes du Groupe Wagner, premier partenaire officielle.

touadera

« L’adoption de la cryptomonnaie comme monnaie officielle par Bangui n’a pas la moindre rationalité économique, mais pourrait être un outil de la rivalité entre Paris et Moscou, relève Marie de Vergès, journaliste au « Monde Afrique », dans sa chronique. »

Marie de Vergès, Journaliste au Monde Afrique

Ce pourrait être l’histoire inspirante d’une nation tourmentée qui choisit, envers et contre tout, de se projeter vers l’avenir et la modernité. De se placer « sur la carte des plus courageux et visionnaires pays au monde », comme s’autocongratulait la présidence de la République centrafricaine (RCA) en annonçant, fin avril, qu’elle adoptait le bitcoin comme monnaie légale.

Une telle interprétation ne vient pourtant guère à l’esprit à propos de cette décision qui en a laissé plus d’un pantois. Une démarche à laquelle on peine à trouver la moindre rationalité économique, quel que soit le bout par lequel on l’examine. Instaurer la cryptomonnaie comme devise officielle semble au mieux farfelu dans un pays classé 188e sur 189 par les Nations unies à l’indice de développement humain. Sur une population de quelque 5 millions de personnes, seul un habitant sur dix a accès à Internet et un sur six à l’électricité.

De quoi singulièrement compliquer l’utilisation de cette monnaie, dont le « minage » – ces calculs complexes qui servent à créer le bitcoin et authentifier les transactions – est un processus très énergivore. Faute d’infrastructures au niveau, c’est d’ailleurs à Dubai que devrait se trouver la société de minage de la monnaie électronique, comme l’a révélé le 10 mai le site Africa Intelligence. Selon ses informations, le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra devait se rendre jeudi 12 mai dans l’Emirat pour superviser son lancement.